mercredi 24 septembre 2008

POLO Rules!

Pour tous ceux d'entre vous qui ne sont pas étudiant en troisième année à l'IEP de Rennes, je vous propose la lecture de la lettre que Jean-François POLO nous a écrite. Un petit bijou de synthaxe, avec tous les petits détails qui font sourire. Enoy!

"Cher(e)s étudiant(e)s,

Vous êtes maintenant tous et toutes arrivé(e)s dans vos nouveaux lieux de résidence, certains depuis quelques jours seulement, d’autres depuis deux mois déjà. Vous avez pris, ou vous prenez, peu à peu vos marques dans votre pays d’accueil. Vous avez déjà, certainement, fait l’expérience assez immédiate de la gastronomie locale. Peut-être en avez-vous déjà marre ? Je me rappelle que lors d’un long séjour en Inde, et bien que j’adore la cuisine indienne, j’éprouvais le besoin une fois par semaine d’aller planter mes crocs dans un bon gros steak saignant accompagné de belles frites croustillantes que l’on servait dans l’unique restaurant occidental de Bombay à l’époque. Cela dit l’aventure culinaire est incontournable bien qu’elle implique des précautions élémentaires pour éviter tantôt qu’un feu ardent vous brûle les entrailles, tantôt les effets non contrôlés de l’ingestion d’aliments mal nettoyés… (je me rappelle avoir fait arrêter un car en plein cœur du désert du Sinaï pour soulager un besoin pressant, à l’arrière du car -hé oui, c’était le désert, donc pas d’arbres, pas de buissons- et puis, il y avait urgence…), tantôt une impression fâcheuse que l’on vous a refilé la gamelle du chien (vous connaissez le sketch de F. Blanche sur la panse de brebis farcie d’outre-manche : « au début je pensais que c’était de la m., après l’avoir goûté, j’ai regretté que ça n’en fut pas ! »).

Si pour certains, l’adaptation n'a pas été très difficile pour d’autres, le choc culturel a été assez violent. Passé l’excitation de la découverte exotique, on regrette ses petites habitudes franchouillardes, son petit café en terrasse en lisant le canard du jour et même de la veille. Oui, pour certains, il faudra attendre quelques mois pour retrouver ces petits plaisirs légitimes, alors que d’autres trouveront des succédanés tout aussi agréables : le narghilé sur les bords du Bosphore ou au Café Fishaoui (au Caire), les stripes de saumons fumés au bord de la Tanana River (Alaska), le Maté argentin, etc. Je ne doute pas une seconde que chaque pays offre aux esprits curieux et bien disposés certaines pratiques alimentaires traditionnelles satisfaisant à la fois des plaisirs individuels et partagés. Evitez seulement pour ceux qui sont dans les Andes, sur les plateaux éthiopien ou yéménite la coca ou le ghat…

Pour certains, l’arrivée a été une formalité déconcertante de simplicité. Pour d’autres qui se reconnaîtront, l’aventure a commencé avant même d'avoir fini de boucler sa valise...
En voici un petit florilège : pas de lettre d’invitation de la structure d’accueil, donc pas certain d’être attendu… ; surcharge en poids des bagages au comptoir d’embarquement qui oblige soit à s’alléger de la réserve de romans français emportés (ou de ses crèmes de beauté) soit à alourdir le prix du billet… ; visa pas en règle exposant le voyageur à un retour immédiat...; vol de cartes bancaires et/ou des papiers d’identité une heure à peine après l’atterrissage (je ne fais pas le malin, j’ai moi-même un très beau passeport délivré par le consulat français de Bombay après avoir été victime d’un habile pickpocket dans un train de banlieue archi-bondé…) ; université fermée pour cause de grèves ; logement encore occupé par un résident récalcitrant à le quitter ; etc., etc. Et je n’évoque même pas les stages qui se révèlent un peu décevants ou les cours ennuyeux…

En revanche, tous et toutes, à un moment ou à un autre, vous avez dû aussi déjà éprouver le sentiment d’être seul(e), perdu(e), isolé(e), incompris(e). Evidemment, l’altérité culturelle renforce cette anxiété, mais le simple fait d’être loin de chez soi, de ses repères, de ses habitudes est source d’angoisses, d’inquiétudes. Parfois ce malaise, « mal-être » se dissipe rapidement, parfois il est récurrent ou latent. La moindre contrariété, le moindre désagrément et la nausée revient. C’est comme le mal de mer sur un bateau. Tout ce ressenti n’est pas toujours exprimé ou assumé : il suffit de jeter un œil sur vos blogs où l’on vous verrait plus facilement aux côtés de Romain Duris dans L’auberge espagnole que de la belle Scarlett dans Lost in translation...

Et pourtant, ces réactions sont normales, saines, attendues. Il faut trouver les moyens de les surmonter, de les gérer. Rencontrer du monde est la première chose à faire. Mais même sous nos latitudes, une amitié ne se décrète pas. Elle se construit dans le temps, progressivement, lentement. Et dans certains pays, les différences culturelles sont telles que les relations sociales s’établissent selon des codes culturels aux antipodes de nos habitudes de latins (et c’est un marseillais qui vous le dit…). Sans compter la méfiance, l’incompréhension, parfois le caractère intéressé d’une approche qui se veut amicale, et plus rarement (heureusement) une hostilité plus ou moins affirmée. La rencontre avec l’Autre est toujours plus compliquée qu’on ne l’a imaginée. Les carnets de notes des ethnologues sont remplis de ces interrogations, de ces doutes (voir le bouquin à l’humour parfois grinçant dont j’ai parlé en cours : Nigel Barley, Un anthropologue en déroute).
Cela signifie aussi que même déterminée par une louable et saine envie de partager et de comprendre la culture de l’Autre, on ne peut faire cette démarche que si l’on est bien dans sa peau. Ne snobez donc pas les lieux de rencontres des Français expatriés, les centres ou services culturels français à l’étranger (ou d’autres pays européens pour ceux qui sont hors Europe). Ce sont des espaces où l’on peut se ressourcer, où l’on peut échanger sur les difficultés rencontrées, où l’on peut bénéficier de conseils avisés, etc. Evidemment, ne restez pas prisonniers de ces ghettos blancs, mais je vous assure que dans certains pays, il sont réconfortants…
Vous savez, vous pouvez toujours décider de porter une galabya, un pancho, des dreadlocks, ou un chapeau melon (…), vous resterez quand même pour les autochtones un « ragawi », un « gringo », un « whity » ou un « frog »… En d’autres termes, soyez vous-mêmes ! Assumez ce que vous êtes, tout en restant bien sûr curieux et respectueux de la culture de l’Autre. Essayez de comprendre et de décrypter sa distance, sa méfiance, son indifférence lorsqu’elles existent.

L’année à l’étranger, c’est l’occasion extraordinaire de se confronter à une culture nouvelle, de faire l’expérience de l’altérité. Mais oui, c’est une expérience qui peut être douloureuse ! oui ce n’est pas toujours facile ! oui cela peut être extrêmement déstabilisant ! Une citation très juste que m’a transmise l’une d’entre vous la semaine dernière : Don't think things are negative or positive, just think they are different !

En retour, l’expatriation invite à s’interroger sur soi, sur son identité, à faire un travail d’introspection. Et c’est un terrible révélateur de nos fragilités intérieures, de nos vulnérabilités. Quel voyageur ne s’est jamais posé la question : « mais qu’est-ce que je fais là ? ».

Puis un jour, dans quelques semaines, dans quelques mois, bientôt, vous vous rendrez compte que vous serez devenu très familier avec votre nouvel environnement, que vous aurez pris vos petites habitudes sympas : la p’tite gargote où l’on peut déguster le plat traditionnel pour deux sous ; le p’tit bar où l’on peut se donner rendez-vous pour boire un p’tit coup en toute tranquillité ; le p’tit banc public où l’on peut s’asseoir et lire peinard le p’tit roman français que vous venez de recevoir… Vous aurez pris vos marques et vous serez impatient de faire découvrir à vos futurs visiteurs ces petits lieux où l’on se sent bien.
Vous verrez même, qu’après vous êtes un peu baladé dans le pays, vous aurez le sentiment rassurant de revenir à la maison, chez vous, lorsque vous retournerez dans votre logement.

Bon, dans tous les cas, sachez que les difficultés évoquées (et les autres) sont normales, surmontables, mêmes quand elles sont récurrentes.
Rappelez-vous enfin et surtout que vous avez à l’Espace avenir de l’IEP des interlocuteurs à votre écoute, disposés à vous aider, à trouver des solutions si vous vous donnez la peine de leur écrire… Et d’ailleurs à ce propos, nous attendons encore des nouvelles de certains. Je vous invite aussi à bien suivre toutes les consignes qui vous ont été données et de renvoyer tous les documents, attestations, contrat d’études dans les délais impartis !

Bonne rentrée, bonne continuation !

Jean-François Polo"

Un must, vous dis-je, un must...!

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Perso, je trouve cela bien écrit quoique un peu long!
Cela dit, as-tu écrit à l'IEP????

Pascal le Yukka a dit…

Comment poster un article sans se fouler ! je vais faire pareil tiens ! Ah, pierrot, j'ai envie de te dire : Dieu 2 - Nietszche 0 ! Je t'envoie la photo !

Pascal le Yukka a dit…

j'ai lu ton com : et j'ai envie de te dire "jalou, va" gnark !

Pedro Le Manchot a dit…

Un petit bijou !

Anonyme a dit…

c'est vrai qu'il s'est bien donné sur ce coup. J'imagine ce que doit être le cours de politique comparée... mouarf
PIkool